La banque accepte un accord pour payer à quatre régulateurs un règlement de 475 millions de dollars après qu'il s'est avéré avoir entraîné le Mozambique dans une dette de plus de 940 millions de livres sterling en 2013.

Les chiffres communiqués par Bloomberg

Ph : DR// Le chiffres avancés par Bloomberg sur les influences de ce scandale financier -- Source : Bloomberg

Le Crédit Suisse a accepté de payer près de 475 millions de dollars pour résoudre les enquêtes sur son rôle dans le scandale de corruption des « Tuna Bonds » au Mozambique.

Une amende pénale de 247,5 millions de dollars sera payée au ministère américain de la Justice, qui sera réduite à 175,5 millions de dollars après avoir effectué les paiements à d'autres autorités, selon les informations communiquées par Bloomberg. 

Quand on plaide coupable

Ph : DR// Écriteau du siège du Crédit Suisse -- Source : Global Investigations Review

La banque suisse a plaidé coupable de complot en vue de commettre une fraude électronique et a accepté de payer 100 millions de dollars à la Securities and Exchange Commission des États-Unis et 200,6 millions de dollars à la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni. Le géant bancaire annulera également les 200 millions de dollars de dette du Mozambique.

De nombreux pots-de-vin

Les banquiers du Crédit Suisse ont reçu 50 millions de dollars de pots-de-vin pour leur rôle dans un accord de dette de 2 milliards de dollars censé financer une flotte de pêche et des garde-côtes pour l'industrie de la pêche du Mozambique, mais la majorité des fonds a été dépensé pour la défense maritime. Les pots-de-vin faisaient partie d'au-moins 200 millions de dollars de "paiements abusifs" et de dessous de table versés à des responsables et des banquiers mozambicains dans le cadre de l'accord, à l'insu de la direction. Propos rapportés par le ministère américain de la Justice. 

Désormais l’un des plus gros scandales financiers du siècle

Ph : DR// À gauche Le procureur américain Breon S. Peace -- Source : The NYT

Les prêts secrets sont devenus connus comme l'un des plus grands scandales de corruption de tous les temps, tandis que leur découverte a déclenché un effondrement de la monnaie mozambicaine et un défaut de paiement de la dette de souveraineté. Selon le procureur américain Breon Peace :

 Le Crédit Suisse, par l'intermédiaire de sa filiale au Royaume-Uni, s'est engagé dans un complot criminel mondial visant à frauder les investisseurs.

Un avantage complexe pour le Mozambique

Le Crédit Suisse s'est engagé à annuler 200 millions de dollars de la dette du Mozambique dans le cadre de l'accord avec les régulateurs et les autorités suisses, mais il reste plus de 1,1 milliard de dollars de dette liée à l'accord qui est toujours contesté, a déclaré le Dr Stephen Connelly de la Warwick Law School :

La reconnaissance par Credit Suisse d'avoir commis de graves manquements à la diligence raisonnable financière pourrait saper un argument en droit anglais selon lequel il n'avait pas connaissance de la fraude présumée, que tout contrat entaché est contraignant et que la corruption est un risque qui incombe au Mozambique.  

Le jeu juridique en embuscade

Le Mozambique peut désormais, toutefois, renforcer tout argument selon lequel le Crédit Suisse était au courant ou aurait dû être au courant du crime financier compte tenu des manquements présumés à la diligence raisonnable, et que tout contrat entaché est annulable. Et toujours selon Connelly,

Le Mozambique a été involontairement aspiré dans une dette énorme dont il n'avait aucune connaissance avant que le scandale n'éclate.

Ph : DR// Quai portuaire au Mozambique -- Source : Financial Times

Ses arguments sont que des fonctionnaires et employés corrompus du Crédit Suisse auraient reçu des pots-de-vin d'un entrepreneur afin que les contrats soient signés au nom du Mozambique, laissant effectivement le peuple mozambicain à la merci de l'argent qui ne lui est jamais parvenu.

Une banque suisse et une nation africaine, mais au cœur de tout cela se trouvait la succursale londonienne de cette banque et ceux qui ont utilisé et prétendument abusé de la loi anglaise pour forcer le Mozambique à payer la note.

Pour comprendre toute l’histoire du scandale

• 2013

En septembre 2013, le Crédit Suisse a levé 500 millions de dollars pour une entreprise publique de pêche au thon nouvellement créée appelée Empresa Mocambicana de Atum (EMATUM).

Compte tenu des promesses d'une garantie d'État et d'un beau rendement de 8,5%, l'émission a été sursouscrite et la banque russe VTB a levé 350 millions de dollars supplémentaires. Bien que certains doutaient que tout l'argent finisse par payer pour les bateaux de pêche, les informations fournies aux investisseurs suggèrent que le Mozambique a le potentiel d'être une plaque tournante du thon en plein essor.

• Le gros mensonge

Ph : DR// Prise de poissons thon au Mozambique -- Source : Les Échos

Des sources à Maputo ont cependant déclaré au magazine African Business qu'une étude de faisabilité avait largement surestimé le potentiel thonier du pays. L'obligation a été vendue avec des estimations selon lesquelles le Mozambique capture actuellement 200 000 tonnes de thon par an d'une valeur de 200 millions de dollars. Pourtant, le bureau national des pêches a signalé qu'en 2013, les navires étrangers et nationaux n'avaient capturé que 6 000 tonnes de thon.

• La partition de la France

Le même mois où l'obligation a été émise, le président Guebuza a rendu visite à l'entreprise française de construction navale, Constructions mécaniques de Normandie (CMN), avec le président français François Hollande, scellant un accord de plusieurs millions de dollars. Selon l'accord, CMN, spécialisé dans les navires militaires, fournirait deux douzaines de bateaux de pêche et six patrouilleurs pour environ 220 millions de dollars, selon le ministère français du Commerce extérieur.

• 2016

Ph : DR// Un trimaran Ocean Eagle 43 du CMN Group -- Source : Alamy

Mais la commande comprenait trois trimarans Ocean Eagle 43 pouvant lancer des drones sans pilote et être équipés de canons d'artillerie et de mitrailleuses de gros calibre. Les experts en navires disent que l'argent dépensé pour les bateaux est remarquablement élevé.

En 2016, le gouvernement de Maputo a accepté d'échanger les 697 millions de dollars en circulation de l'obligation de thon contre une euro-obligation souveraine.